Les mandats des agents immobiliers sont souvent entachés de nullité.
Jusqu’à une époque récente la moindre irrégularité formelle entraînait la nullité du mandat et l’anéantissement du droit à honoraires de l’agence immobilière. Ce n’est plus systématiquement le cas, grâce à la récente réforme du droit des obligations :
Cour de cassation, chambre mixte, 24 février 2017, n° de pourvoi 15-20411, publié au bulletin :
“Que la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général, tandis que la nullité est relative lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde d’un intérêt privé ;
Que par la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi Hoguet, le législateur a entendu, tout à la fois, réguler la profession d’agent immobilier et protéger sa clientèle ; que la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, comme il ressort de son étude d’impact, et la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques répondent aux mêmes préoccupations ;
Que la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 encadre la délivrance d’un congé pour vendre au locataire d’un local à usage d’habitation qui constitue sa résidence principale, en posant notamment des conditions de délai, en ouvrant un droit de préemption et en imposant la délivrance d’une notice d’information avec le congé ;
Que l’évolution du droit des obligations, résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment l’objectif poursuivi par les dispositions relatives aux prescriptions formelles que doit respecter le mandat, lesquelles visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire ;
Que l’existence de dispositions protectrices du locataire, qui assurent un juste équilibre entre les intérêts de ce dernier et ceux du bailleur, et la finalité de protection du seul propriétaire des règles fixées par les articles 7, alinéa 1er, de la loi du 2 janvier 1970 et 72, alinéa 5, du décret du 20 juillet 1972 conduisent à modifier la jurisprudence et à décider que la méconnaissance des règles précitées doit être sanctionnée par une nullité relative ;
Que, dès lors, la cour d’appel n’était pas tenue d’effectuer une recherche inopérante relative à la mention de la durée du mandat et au report, sur le mandat resté en possession du mandant, d’un numéro d’inscription sur le registre des mandats ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;”
Cette nullité du mandat est désormais relative.
Cour de cassation, chambre civile 1, 20 septembre 2017, n° 16-12906, publié au bulletin :
“Mais attendu que, selon les articles 1er et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dans leur rédaction issue de la loi n° 94-624 du 24 juillet 1994, applicable en la cause, les conventions conclues avec les personnes physiques ou morales qui, d’une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours aux opérations portant sur les biens d’autrui et relatives, notamment, à la gestion immobilière, doivent être rédigées par écrit ; que, suivant l’article 64, alinéa 2, du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, le titulaire de la carte professionnelle ” gestion immobilière ” doit détenir, à moins qu’il ne représente la personne morale qu’il administre, un mandat écrit qui précise l’étendue de ses pouvoirs et qui l’autorise expressément à recevoir des biens, sommes ou valeurs, à l’occasion de la gestion dont il est chargé ; que la Cour de cassation jugeait jusqu’à présent que ces dispositions, qui sont d’ordre public, sont prescrites à peine de nullité absolue, excluant toute possibilité de confirmation du mandat comme de ratification ultérieure de la gestion (1re Civ., 22 mars 2012, pourvoi n° 15-20. 411, Bull. 2012, I, n° 72 ; 1re Civ., 2 décembre 2015, pourvoi n° 14-17. 211, en cours de publication) ;
Que, toutefois, l’évolution du droit des obligations résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, d’après laquelle la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général et relative lorsque cette règle a pour objet la sauvegarde d’un intérêt privé, a conduit la Cour de cassation à apprécier différemment l’objectif poursuivi par certaines des prescriptions formelles que doit respecter le mandat de l’agent immobilier et à décider que, lorsqu’elles visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire, leur méconnaissance est sanctionnée par une nullité relative (Ch. mixte, 24 février 2017, pourvoi n° 15-20. 411, en cours de publication) ; que, dans les rapports entre les parties au mandat, le non-respect de son formalisme légal, qui a pour objet la sauvegarde des intérêts privés du mandant, entraîne une nullité relative, laquelle peut être couverte par la ratification ultérieure des actes de gestion accomplis sans mandat ;
Et attendu que l’arrêt relève que les consorts X…ont poursuivi leurs relations avec le mandataire de leur auteur, sans émettre la moindre protestation sur la qualité des prestations fournies ou les conditions de leur rémunération, dont l’agent immobilier leur a rendu compte de façon régulière et détaillée, avant qu’ils ne mettent un terme à sa mission sept ans plus tard, dans les formes et conditions stipulées dans les mandats écrits que celui-ci leur avait expédiés pour signature ; que, de ces motifs, faisant ressortir que les consorts X…avaient ratifié, en connaissance de cause, les actes et coût de cette gestion locative, elle a pu déduire que la restitution des honoraires perçus était injustifiée ; “
La nullité relative peut être couverte par la ratification ultérieure des actes de gestion par le mandant. Ainsi un vendeur s’étant vu proposer et ayant négocié une offre d’achat présentée par une agence en vertu d’un mandat, pourra à l’avenir difficilement invoquer une irrégularité du mandat pour traiter directement avec l’acquéreur présenté par l’agence.
Mais une ratification ultérieure des actes de gestion est indispensable.
Sans ratification ultérieure, la nullité du mandat interdit à l’agence d’obtenir une quelconque rémunération :
TI de THIERS, 24/04/2018 :
“Il apparaît que dans les rapports entre les parties au mandat, le non-respect de son formalisme légal, qui a pour objet la sauvegarde des intérêts privés du mandant, entraîne une nullité relative, laquelle peut être couverte par la ratification ultérieure des actes de gestion accomplis sans mandat.
En l’espèce, force est de constater que le mandat de recherche du 22 mai 2015 ne respecte pas les dispositions susmentionnées, d’ordre public, notamment en ce qu’il ne précise pas les conditions dans lesquelles ces personnes sont autorisées à recevoir, verser ou remettre des sommes d’argent, biens, effets ou valeurs à l’occasion de l’opération dont il s’agit ; les modalités de la reddition de compte ; ou encore les moyens employés par ces personnes et, le cas échéant, par le réseau auquel elles appartiennent pour diffuser auprès du public les annonces commerciales afférentes aux opérations mentionnées au 1° du même article 1er.
Il y a donc lieu de considérer que ce mandat de recherche doit être frappé de nullité relative.
Il est ainsi question de savoir si cette nullité a pu être couverte par la ratification ultérieure d’actes de gestion accomplis par la SARL XXXXX, accomplis sans mandat valable.
Il ressort des pièces versées aux débats que le seul acte pouvant être analysé en acte de gestion est une offre d’achat signée par M. XB et Mme AC, le même jour que l’établissement du mandat de recherche.
Cet acte ne saurait ainsi être considéré comme un acte de gestion ultérieur permettant de couvrir la nullité du mandat de recherche, alors même qu’il est concomitant à la signature de celui-ci et que cette offre a fait l’objet d’une rétractation dans les délais impartis (le 30 mai 2015) par les potentiels acquéreurs.Cet acte de gestion n’a donc pu être ratifié, ayant été rétracté.
Or aucun autre acte de gestion n’a été accompli par la suite par la SARL XXXXX.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le mandat de recherche est nul et ne peut recevoir effet.
Les défendeurs ont ainsi pu valablement conclure ultérieurement la vente par l’intermédiaire d’une autre agence et ne sont pas tenus au paiement de la somme demandée”.
Dans cette affaire l’agence qui avait pourtant présenté le bien en premier aux acquéreurs, a été évincée. Pour défendre leur droit à honoraires, les agents immobiliers doivent donc continuer à utiliser des mandats irréprochables, n’encourant pas de nullité formelle. A défaut et en cas de contestation, ils devront rapporter la preuve d’une ratification de leurs actes de gestion par le mandant.
Cela vaut pour les irrégularités de forme, mais pas de fond : “le mandat écrit dont l’agent immobilier se prévalait ne précisait pas laquelle des parties aurait la charge de sa rémunération, comme l’exigent l’article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, modifiée par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, et les articles 72 et 73 du décret n° 72-678 du 22 juillet 1972, modifié par le décret n° 2005-1315 du 21 octobre 2005″ : dans ce cas, même en présence d’une offre acceptée, l’agent n’a pas droit à sa commission. (Arrêt n° 69 F-D du 22 janvier 2020, pourvoi n° Q 19-10.853).
Quoi qu’il en soit la nullité formelle du mandat n’entraîne plus systématiquement l’anéantissement du droit à commission/honoraires.
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M. MIRIBEL bonjour,
Je viens vers vous sachant votre "renommée" dans le cadre d'un cas particulier:
- Donation : Le "donateur" est usufruitier et les "donataires" nu-propriétaires.
- Le donateur est sous tutelle (Croix Rouge)
- Les donataires souhaitent vendre leur parcelle de terrain. L'un d'entre eux est sous curatelle, et un deuxième en cours de curatelle renforcée.
Au vu de ces éléments :
- Merci de nous confirmer que les mandats de vente ne pourront pas être signés par le donateur dans la mesure où il est sous tutelle. Il est prévu d'obtenir l'autorisation du Juge des Tutelles avant la signature des compromis.
- Dans le cas du donataire sous curatelle, merci de nous confirmer que le mandat de vente doit à la fois être signé par lui-même et son curateur.
- Dans le cas du donataire en cours de curatelle renforcée, le mandat peut-il être signé uniquement par lui-même ?
Merci beaucoup d'avance pour votre professionnalisme.
Bien cdt
Aïe désolé pour cette réponse tardive, je n’ai pas vu passer votre question.
Juridiquement le mandat quand il est simplement d’entremise (c’est presque toujours le cas, la mention expresse autorisant à engager le mandant étant rarissime), peut être valablement signé par un seul des propriétaires, mais sans engager les autres. En ce qui concerne le juge des tutelles voir : https://cimm.blog/professions-immobilieres/condition-suspensive-de-lautorisation-du-juge-des-tutelles-12418.html
Bonjour,
Je vous ai déjà sollicité dans les commentaires d'un autre article et vous remercie encore de votre réponse si rapide. Ma question concerne toujours le même contentieux immobilier (la venderesse souhaite se rétracter alors qu'elle a signé une offre d'achat valable juridiquement). La venderesse cherche désormais à faire valoir la nullité du mandat immobilier pour en déduire la nullité de l'offre d'achat. Elle se base sur le fait que l'agent immobilier n'a pas fourni de double aux mandants au moment de la signature du mandat.
Ce cas ne nullité, s'il était averé, peut il entrainer la nullité de l'offre?
ce cas de nullité est il relatif ou absolu ?
Merci d'avance de votre aide,
Cordialement,
Anne