Du rapport VORMS au projet de loi LEFEBVRE

mandat exclusif à vendreLe 3 avril 2002, Bernard VORMS a remis à madame la ministre de la Justice, Marylise LEBRANCHU, sur sa demande, un rapport intitulé “moderniser la réglementation des professions immobilières.”

Ce rapport, de 61 pages avec ses annexes, fait un tour d’horizon des pratiques professionnelles et des améliorations souhaitables.

M. VORMS constate d’abord que les associations de consommateurs ne sont pas demandeuses d’une remise en cause de la loi Hoguet, puisque les difficultés rencontrées viennent majoritairement de personnes qui ne respectent pas la réglementation. Elles souhaitent plutôt un renforcement des sanctions.

Ces associations déplorent que dans les faits le vendeur soit le seul client de l’agent immobilier, ce qui place l’acquéreur en position de faiblesse dans la négociation.

C’est un point sur lequel on ne peut être d’accord qu’en partie, les agents immobiliers ont certes la faiblesse de travailler pour ceux qui les paient… Or qui paie l’agent immobilier, sinon le vendeur qui voit le prix qui lui revient amputé de la commission, alors que l’acquéreur n’a accepté d’acheter qu’au prix du marché, et pas plus cher parce qu’une agence est intervenue. C’est donc plutôt l’acquéreur qui est en position de force, en étant libre d’accepter ou le prix proposé ou de le négocier. Mais en pratique en effet de nombreux acquéreurs souhaitent négocier la commission et pas le prix…

Tout un chapitre est consacré aux qualifications requises pour l’accès à la profession : l’exigence de qualification professionnelle n’est actuellement tournée que vers le chef d’entreprise ; depuis ce rapport, le niveau d’études a été élevé d’une année, toutefois aucune étude n’avait ni n’a depuis établi un quelconque lien entre la fréquence des sinistres et le niveau de formation préalable des chefs d’entreprise. M. VORMS met en garde contre la tentation de pousser trop loin la spécialisation juridique d’une profession qui est avant tout commerciale.

A ce sujet nous pouvons remarquer que la loi Hoguet, interdisant aux agents commerciaux de donner des consultations juridiques et de rédiger des actes sous seing privé autres que des mandats, réduit sensiblement le domaine de formation nécessaire…

Au passage, il est précisé que “la création d’un ordre constituerait une entrave à la liberté du commerce”, ce qui emporte pleinement notre adhésion.

Suit une charge en règle contre le mandat simple, “très dommageable du point de vue du fonctionnement du marché”, accusé de ne permettre aux agences qu’un investissement limité pour une affaire qui leur échappe trop souvent, de renchérir le coût global de l’entremise en multipliant les visites et les démarches commerciales infructueuses, de condamner tous les efforts qui pourraient être faits pour rendre le marché plus transparent puisqu’une information précise permettrait d’identifier un logement et par là même de doubler l’agence qui l’a fournie, d’empêcher pour la même raison de tirer pleinement partie d’internet, et d’entraver la pratique efficace du mandat de recherche en empêchant les fichiers communs.

Miracle ! Les hommes politiques auraient-ils enfin compris le fonctionnement des agences immobilières ?

Et Bernard WORMS de souhaiter un renforcement de la pratique du mandat exclusif…

A noter qu’à l’époque, la Fnaim voulait un allongement de la durée d’irrévocabilité au delà de trois mois et les associations de consommateurs une réduction de cette durée ; pour l’auteur du rapport, “la sagesse consiste probablement à ne rien changer”. Vérité en 2002…

Le bon de visite serait à l’origine de certains contentieux, il conviendrait de l’interdire. Nous ne pouvons pas être d’accord sur ce point. Il faut bien une preuve de la visite, pour que le professionnel puisse rendre compte de sa mission et protéger sa rémunération. Le remplacer par une LRAR au vendeur après chaque visite serait la seule solution de rechange, disproportionnée par rapport à l’objectif souhaité. De plus, comment lutter alors contre les visiteurs qui mentiraient sur leur état-civil lors de la visite, pour retrouver leur véritable identité lorsqu’ils se retrouvent, seuls, en présence du vendeur ? Il ne s’agit pas là d’un cas d’école (arrêt du 9 mai 2008).

Il serait bon, nous dit-on, que l’acquéreur puisse, après avoir été trouvé par une agence, contracter par l’intermédiaire d’une autre, moins chère. Mais de quel droit déposséderait-on la première agence qui a investi en démarches, publicité, travail, négociations… du fruit de soin travail ? Pour le coup, il deviendrait inutile d’investir en communications coûteuses, voire d’investir tout court, puisque le client, après avoir trouvé le bien grâce à une agence, pourrait tout simplement décider de ne pas la payer en donnant généreusement quelques euros à un concurrent qui n’a rien fait qu’attendre une telle opportunité, sans investir le moins du monde ! Fort heureusement la jurisprudence ne l’entend pas de cette oreille.

Plus loin nous pouvons lire que le mode de rémunération de l’agent immobilier est par nature porteur d’insatisfaction…

“s’acquitte-t-il de sa mission avec efficacité, c’est à dire rapidement, le coût de son intervention apparaît disproportionné par rapport au temps passé ; l’affaire traîne-t-elle en longueur, ce coût semble également injustifié. La commission perçue à l’occasion d’une transaction réussie est censée couvrir les frais de toutes les démarches infructueuses, y compris celles que requiert la course aux mandats. Et la pratique du mandat simple, qui place plusieurs agences en concurrence, disperse leur effort et multiplie le nombre de visites inutiles.”  Cela va sans dire, mais mieux en le disant… Les agents immobiliers ne devraient-ils pas s’affranchir une fois pour toutes de la langue de bois, et expliquer de façon transparente que peu de clients paient pour tous ceux qui ne paient rien ? Ce constat une fois admis par tous, permettrait peut-être d’aider à trouver des solutions. Et éviterait que des députés, comme lors de la discussion du projet de loi Lefebre à l’assemblée, enfoncent des portes ouvertes en s’indignant que les honoraires des agences ne soient pas en rapport avec le service rendu : nous le savons bien. Nous savons aussi que la seule solution pour résoudre ce problème est la généralisation du mandat exclusif.

On constate plus loin que la concurrence est déloyale avec les notaires, puisque ceux-ci sont le point de passage obligé d’authentification des actes ; et qu’il serait bon de les soumettre aux mêmes règles en matière de facturation des frais de publicité et de durée de mandat. Les notaires en effet peuvent se faire rembourser les frais de publicité, qu’ils aient vendu ou non, alors que les agents immobiliers n’ont droit à une rémunération  que si la transaction est effectivement réalisée, et en aucun cas au moindre remboursement. Par ailleurs le mandat exclusif est limité à trois mois pour les agents immobiliers, et à “une durée raisonnable” pour les notaires… Nous avons vu des mandats exclusifs de notaires, irrévocables pour une année !

Les géomètres huissiers et architectes, ne sont pas non plus soumis à la loi Hoguet. Ni maintenant les avocats, dont 33 % déclarent vouloir s’adonner à la transaction…

Pour Bernard VORMS, les dispositions de la loi tenant au mandat et aux modalités de rémunération ne devraient s’imposer que pour les personnes physiques n’agissant pas dans un cadre professionnel, et pour les transactions portant sur les locaux d’habitation, et il faudrait laisser la liberté contractuelle jouer pour les autres volets de l’activité immobilière.

Sa conclusion : “Le système de protection du consommateur et d’encadrement des professions immobilières mis en place en 1970 a fait la preuve de son efficacité et sa remise en cause ne se justifie pas.”

On ne peut que regretter que Monsieur Frédéric LEFEBVRE n’ait manifestement pas lu ce “livre blanc,” puisque son projet de loi pour la “protection du consommateur” imposerait l’inverse de ce que préconisait Monsieur Bernard WORMS à notre ministre de tutelle d’alors, peu suspecte pourtant, en tant que socialiste, de vouloir favoriser notre profession par rapport aux consommateurs.

Consommateurs qui seraient les premières victimes de la suppression du mandat exclusif, notamment, comme nous le démontrons dans un précédent article.

Mais d’autres dispositions de ce texte ne sont que des brimades inutiles et coûteuses, l’interdiction de tacite reconduction des mandats de gestion par exemple : quel intérêt d’obliger à re-signer un mandat, avec toutes les contraintes que cela représente, alors que le propriétaire doit être averti à l’échéance de la possibilité de dénonciation du mandat (loi Chatel) ou peut le dénoncer sans préavis s’il n’a pas été averti par le professionnel de la possibilité de le faire ?

Que pourra faire le professionnel vis à vis d’un propriétaire négligent, qui aura omis de signer le nouveau mandat, parce qu’il sera en déplacement, ou aura d’autres soucis en tête à ce moment là ? Refuser d’encaisser les loyers, voire de rechercher un nouveau locataire, puisqu’il n’aura plus le droit de le faire, sous peine de sanctions pénales ? Ou salarier une personne pour s’occuper exclusivement des renouvellements, en devant donc augmenter ses tarifs ? On ne voit pas vraiment en quoi le service serait amélioré.

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1 Commentaire

  1. Le “livre blanc” de Bernard Vorms est effectivement très étayé et juste sur de si nombreux points qu’on ne comprend pas pourquoi il n’a eu aucune incidence en 2002 : pas un effet, rien !
    Il aura fallu attendre 9 ans, pour voir le contraire tenter d’être appliqué, par le projet de loi Lefebvre.
    C’est à n’y rien comprendre …

    Concernant l’interdiction de la tacite reconduction, j’aimerai que Mr Lefebvre nous explique, lors d’une succession avec de multiples héritiers dispersés parfois aux quatre coins de la France ou du Monde, comment nous allons pouvoir travailler ?

    Le premier mandat est souvent très long à “faire le tour” des héritiers pour signature. Imaginez seulement le temps perdu entre la fin de celui-ci et la signature par tous du second mandat !

    Pendant ce temps là, devrons-nous suspendre notre travail ?
    Comment nos clients percevront-ils cette “suspension” ?

    J’attends, Monsieur Lefebvre …

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