Vendre par un autre intermédiaire à un client présenté par l’agence

Vente par un autre intermédiaire après visite : tribunal d’instance d’Albertville, jugement du 1/7/2010, RG n° 14-09-000016 (extraits).

Vendre un bien par un autre intermédiaire à un client présenté par l'agence

LITIGE ENTRE AGENCES IMMOBILIERES

Par mandat simple en date du 28 mai 2008, la SCI J a chargé Cimm immobilier Albertville de trouver acquéreur pour un ensemble immobilier sis à Grignon pour un prix (…).

Par LRAR du 13 février 2009, Cimm immobilier signalait à la SCI J qu’elle venait d’apprendre par un message sur répondeur que l’appartement était vendu à Mme F à qui elle avait fait visiter le bien et leur rappelait le non respect de l’interdiction de vendre par un autre intermédiaire à des clients présentés par elle.

L’affaire a été plaidée le 3 juin 2010.

Au soutien de ses prétentions Cimm immobilier expose qu’elle a effectué de nombreuses visites du bien ainsi qu’il est justifié ; qu’un compromis de vente a même été effectué le 11 novembre 2008 mais n’a pu se finaliser en raison des difficultés financières de l’acquéreur ; que le mandat contenait une clause pénale en caractères gras ; que Madame F., acquéreur, a visité le bien par son intermédiaire le 12 janvier 2009 ; que cependant elle a régularisé la vente par l’intermédiaire de l’agence Immo B, son concurrent direct ; que cette collusion frauduleuse lui fait subir un incontestable préjudice nécessitant réparation à hauteur du montant des honoraires fixé par les parties.

En défense la SCI J soutient à titre principal que faute de mandat exclusif, aucune faute n’a été commise, les acheteurs ayant visité le bien par l’intermédiaire des deux agences et ayant fait leur choix ; qu’au surplus, elle n’avait aucun moyen de savoir qu’ils avaient précédemment visité le bien faute d’information de la part de la requérante.

Vendre par un autre intermédiaire à un client ayant visité par l’agence est fautif ! Motifs de la décision.

Selon l’article 78 du décret du 20 juillet 1972, lorsqu’un mandat est assorti d’une clause d’exclusivité ou d’une clause pénale (…), cette clause ne peut recevoir application que si elle résulte d’une disposition expresse d’un mandat dont un exemplaire a été remis au mandant. Cette clause est mentionnée en caractères très apparents.

En l’espèce, la clause pénale figurant dans le mandat du 13 mai 2008 est indiquée en caractères très apparents : majuscules et gras. De plus, le mandant reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales au verso.

L’interdiction faite n’est pas de passer par une autre agence (mandat exclusif), mais de vendre à un acquéreur ayant eu connaissance du bien par l’intermédiaire de l’agence Cimm immobilier. Ainsi les droits du propriétaire ne sont limités qu’à l’égard des personnes qui ont été présentées par le mandataire. Une telle restriction est justifiée par le risque de fraude très important. Cette clause ne crée aucun déséquilibre entre les parties et ne peut être qualifiée d’abusive.

De plus la mention concernant la dénonciation du mandat est également prévue en termes très apparents puisqu’en caractères gras et que chaque partie selon l’article 78 du décret du 20 juillet 72 a la possibilité d’y mettre fin au terme de la période initiale de trois mois ou à tout moment pendant sa prorogation. Compte tenu de cette réciprocité et de cette très courte périodicité, ce même texte ne prévoit nullement une obligation à la charge du prestataire de service d’informer le consommateur de la possibilité de ne pas renouveler le contrat. L’article L 136-1 du Code de la consommation dispose en tout état de cause que la sanction de cette absence d’information est la possibilité de rompre le contrat à tout moment ce qui est déjà le cas. Quant à la durée de cette prorogation, en l’espèce 24 mois, elle est bien conforme à la recommandation de la commission des clauses abusives en date du 18 septembre 2003 puisque limitée dans le temps.

Le Tribunal considère donc que les dispositions légales susvisées ont bien été respectées et que le mandat non exclusif souscrit le 21 mai 2008 doit s’appliquer.

SUR L’APPLICATION DE LA CLAUSE PENALE

Il est constant que la SCI J a vendu son bien à Madame F.

La défenderesse verse aux débats le mandat de visite en date du 12 janvier 2009 signé par Monsieur et Madame F., alors que la défenderesse produit un document identique au nom de monsieur W. en date du 22 janvier 2009, soit postérieur au premier.

Rien ne permet de remettre en cause la validité de ces deux actes sauf à ce que les acheteurs dénient leur signature ce qui n’est pas le cas. En revanche le second précise « nous déclarons que ces affaires nous ont été présentées en premier lieu par votre cabinet Immo B et que nous n’en avions aucune connaissance auparavant », ce qui est manifestement erroné d’un point de vue chronologique.

La demanderesse n’a pas la charge d’établir une faute à l’encontre de la SCI J, mais le respect des obligations découlant du mandat. Or, il ne peut être contesté que les acquéreurs ont bien eu connaissance de la vente des biens sis à Grignon par l’intermédiaire de l’agence Cimm immobilier qui, la première, a fait visiter le bien et avait donc une priorité de vente. L’argumentation consistant à reprocher à Cimm immobilier de ne pas avoir communiqué le bon de visite aux vendeurs n’est pas sérieux en ce qu’aucune obligation de ce chef ne découle du mandat et que si l’agence, en principe prévient les vendeurs de la visite du bien, elle leur donne rarement l’identité du visiteur. Il appartient le cas échéant à la SCI J de se retourner contre ses acheteurs.

Prudence avant de vendre par un autre intermédiaire !

Affaire classique, dans laquelle on retrouve nombre des ingrédients habituels. Une agence présente un bien, une autre profite du travail de la première pour conclure l’affaire. Elle prend en général moins d’honoraires, ce qu’elle peut se permettre puisque elle n’a effectué aucune diligence pour trouver l’acquéreur.

Il est intéressant de voir que le juge conseille aux vendeurs de se retourner contre les acquéreurs. Ils pourraient également se retourner contre l’autre agence, pour peu qu’elle leur ait assuré qu’ils ne risquaient rien à traiter avec elle, et qu’ils puissent le prouver.

Autre article sur ce sujet (avec arrêts de la Cour de cassation).

Et un arrêt de la Cour d’appel de Douai.

Pour ouvrir une agence ou devenir agent commercial avec notre réseau, partout en France : tél. 04 76 48 24 31. Débutants acceptés, formation assurée.

À propos de l'auteur 

39 Commentaires

  1. Bonjour,
    Cet arrêt nous a été communiqué par notre agence franchisée donc indépendante, d’Albertville. Je n’ai dons pas cette info. Il y a les honoraires de l’avocat ; certains travaillent au forfait. L’art. 700 est censé les compenser si on gagne. Et bien sûr cela dépend de l’enjeu, mais il est rare que les DI soient réduits à leur plus simple expression, surtout si l’on a pu établir la mauvaise foi de l’adversaire.

  2. Bonjour,
    mon cas est inverse : j’ai visité un bien de particulier à particulier, mais le vendeur ayant mis son bien en vente dans une agence, il souhaitait que nous passions par elle : mon mari a donc fait une contre-visite avec l’agence en signant un bon de visite… Le prix étant trop élevé, nous avons renoncé à l’achat.
    Puis le vendeur à mis son bien en vente entre particuliers avec un prix plus intéressant pour nous…
    Que sommes-nous en mesure de faire pour prouver que c’est le vendeur qui nous a présenté l’agence et non l’inverse : c’est notre parole contre la leur…
    Merci de vos conseils.

  3. Bonjour,
    Comme vous le dites vous-même, tout est dans la preuve. pour paraphraser la Cour de cassation dans une autre affaire, il n’y aurait pas droit à la commission car il n’y a pas eu “présentation de l’acquéreur”.
    D’un autre côté, le mandat de l’agence prévoyant que tous les acquéreurs qui se manifesteraient pendant la durée de validité du mandat, devraient être redirigés vers l’agence, la commission serait due. Cette clause est parfaitement licite.
    Deux solutions : négocier le prix avec le vendeur, à charge pour lui de négocier les honoraires ; attendre la fin de la clause d’interdiction de traiter avec un acquéreur ayant eu connaissance du bien pendant la durée de validité du mandat, cette clause est obligatoirement limitée dans le temps. Voir :
    http://www.cimm-immobilier.fr/blog/jurisprudences/les-effets-dun-mandat-se-poursuivent-ils-apres-la-fin-du-mandat-157.html

  4. Bonjour,

    J’ai visité un terrain à bâtir avec une agence immobilière. Avant d’aller sur le terrain, j’ai signé un bon de visite sans savoir réellement la portée de ce document. L’agent immobilier ne m’a bien entendu par expliqué que je devrais acheter le terrain obligatoirement par son intermédiaire.
    Quelques jours plus tard, j’ai vu le même terrain à vendre chez un notaire. Le prix du terrain étant moins cher chez ce dernier, c’est avec lui que j’ai signé le compromis de vente.
    Un mois après la signature, l’agent immobilier me réclame des frais n’ayant pas traité avec lui.
    A-t-il réellement le droit de me demander des honoraires ?

    Merci pour vos réponses

  5. bonjour LaTortue

    A priori l’agence doit se retourner contre le vendeur en vertu de son mandat , mais sur ce même blog, vous trouverez en suivant ce lien une jurisprudence qui va dans le sens d’une possibilité pour l’agence de se retourner contre vous

    http://www.cimm-immobilier.fr/blog/jurisprudences/valeur-du-bon-de-visite-483.html

    Il est quand même impressionnant que vous signiez une bon de visite sans prendre le temps de le lire ( relisez le il y a dix lignes ) , que vous puissiez prétendre “qu’on ne vous a pas expliqué la portée de votre engagement ” , que vous n’ayez pas demandé une copie ( on ne vous l’a pas remise, vous êtes trop jeune / trop timide pour la réclamer ) ou si vous l’avez que vous n’ayez pas pris la peine de le relire .
    En gros vous pensiez que l’agence travaillait gratuitement ??
    Vous n’êtes pas crédible, désolé

  6. Bonjour,

    Je sais qu’il ne faut jamais signé un document sans en lire son contenu, mais dans la précipitation… On vous colle la feuille sous le nez. Vous avez à peine le temps de réfléchir et voilà, vous vous faites avoir. Bref !
    Je ne connais pas toutes les lois françaises et je ne pensais pas que les agences faisaient signer ce genre de papier. Chacun son métier. Moi, je suis dans l’informatique et d’autres sont dans l’immobilier. La moindre des choses, c’est d’expliquer aux clients le but du bon de visite. Négligence de ma part, mais abus de confiance de la part des agents immobiliers.
    En tout cas, ce n’est pas une leçon de morale que j’attendais ! Je m’en mords déjà assez les doigts ! Je voulais seulement savoir si une agence avait le droit de demander des honoraires alors qu’un autre professionnel (un notaire) a lui aussi le droit de vendre le même bien.
    Dans ce cas, le mandat est-il exclusif ?

    Et pour l’affirmation “vous pensiez que l’agence travaille gratuitement ??”. Bien entendu que non. Pour moi, les agences se rémunéraient sur les biens qu’elles louaient et qu’elles vendaient. Elles prennent suffisamment d’argent aux clients pour payer ses salariés.
    Un exemple qui montre que ce n’est pas forcément logique que les agences immo nous fassent payer ce genre de frais : un concessionnaire fait essayer une voiture à un client et ce même client a le droit d’acheter cette même voiture chez un autre concessionnaire.
    A vos yeux, je ne suis peut-être pas crédible mais je ne suis pas la première personne à mettre faite avoir de la sorte par une agence immobilière.

  7. Re

    je vous ai répondu sur ce que vous risquiez , vous avez suivi le lien ??

    Et non, je ne vous fais pas la morale ; je constate que systématiquement nous devons croire votre version: à savoir qu’on vous met un papier sous le nez que vous signez dans la précipitation….le couteau sous la gorge
    Vous affirmez également qu’elles prennent suffisamment d’argent aux clients pour payer ses salariés …je reste donc persuadé que votre société agit de même pour vous payer non ??
    Votre comparaison ( toujours la même quand il faut justifier de s’être soit disant fait avoir ) avec le concessionnaire automobile ne tient pas , le métier et les règlementations sont totalement différents .
    Vous auriez informé le notaire et le vendeur que vous aviez déjà visité le bien, vous auriez été mis en garde sur les risques encourus , mais vous vous êtes visiblement abstenu de leur donner cette précision …
    Quand on pose une question sur un forum, la personne qui répond est aussi en droit d’émettre un avis, de faire la morale et de s’exprimer , c’est ça le but in fine
    Si vous voulez une réponse sans commentaire, avec de seuls arguments juridiques, tournez vous vers un avocat mais comme c’est payant alors qu’ici c’est gratuit …

  8. “un concessionnaire fait essayer une voiture à un client et ce même client a le droit d’acheter cette même voiture chez un autre concessionnaire” : juste une précision, ce n’est pas “cette même voiture” mais une voiture identique, ce qui n’est pas la même chose.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*