Le devoir d’information de l’agent immobilier : quelques jurisprudences

juge 3D

Le devoir d’information et de conseil est une construction jurisprudentielle qui impose des obligations au professionnel, au delà de ce qui est écrit dans le contrat ou la loi, afin de protéger le consommateur.

Il découle des articles 1134 et 1135 du Code civil : les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature.

L’agent immobilier doit suppléer par ses conseils à l’inexpérience des clients ; il doit influer positivement sur le comportement des clients dans le sens de leur intérêt.

Le devoir d’information est une composante du devoir de conseil.

Le vendeur, et l’agent immobilier avec lui, doit révéler tout ce qu’il connaît des biens vendus lorsque les éléments d’information sont de nature à influer sur la décision de l’acquéreur (Code civil, art. 1116 et 1117) :

Cour de cassation, chambre civile 3, audience publique du mercredi 16 mars 2011 n° de pourvoi : 10-10503, publié au bulletin  “le vendeur, tenu à un devoir général de loyauté, ne pouvait néanmoins dissimuler à son cocontractant un fait dont il avait connaissance et qui aurait empêché l’acquéreur, s’il l’avait connu, de contracter aux conditions prévues”

Dans cette autre affaire, le vendeur avait demandé à l’agent immobilier mandaté pour la vente, de dissimuler aux acquéreurs un projet de rocade. L’agent immobilier est condamné car “il incombait à l’agent immobilier, tenu d’une obligation de conseil, d’informer ses mandants de la nécessité de porter à la connaissance des acquéreurs l’état d’avancement du projet de rocade,” bien qu’il ait invoqué devoir défendre exclusivement les intérêts de son mandant. (Cour de cassation, chambre civile 1, 9 janvier 2019, n° 18-10245).

L’agent immobilier n’est pas responsable des retards et de l’arrêt du chantier, alors que rien ne le laissait prévoir au moment de la vente : “lors de la signature du contrat de commercialisation entre le promoteur et l’agent immobilier, ce dernier s’est rendu sur place et a pu constater l’avancement des travaux, et qu’aucun élément ne permet de considérer qu’il aurait dû avoir des doutes sur la fiabilité de l’investissement immobilier et se livrer à des investigations plus poussées ; (…) les premières difficultés se sont révélées postérieurement à la signature de l’acte de vente et qu’ainsi, les préjudices sur lesquels les acquéreurs fondent leurs demandes indemnitaires résultent du retard, puis de l’arrêt du chantier, qui ne peuvent être imputés qu’au promoteur et non à l’agent immobilier chargé de commercialiser le produit” (Cour de cassation, ch. civ. 1, 12 décembre 2018, n° de pourvoi: 17-11910)

Mais il ne suffit pas de signaler le vice à l’acquéreur, il faut l’informer de l’origine,  de l’ampleur, de la gravité potentielle et des conséquences prévisibles du vice :

Cour de cassation, chambre civile 3, audience publique du mercredi 14 mars 2012, n° de pourvoi : 11-10861, publié au bulletin : “Qu’en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la connaissance par Mme Z…du vice dans son ampleur et ses conséquences, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ; “

Et :

Cour de cassation, chambre civile 3, audience publique du mercredi 8 avril 2009, n° de pourvoi : 07-21910 07-21953, publié au bulletin : “l’agent immobilier devait attirer l’attention des acquéreurs sur l’origine très vraisemblable des fissures apparentes et sur leur gravité potentielle pouvant affecter la structure de l’immeuble”

L’agent immobilier ne sera pas responsable si le vice est vraiment caché :

Cour de cassation, chambre civile 1, audience publique du mardi 16 janvier 2007, n° de pourvoi : 04-12908, publié au bulletin : “Mais attendu qu’après avoir constaté que les désordres affectant la charpente n’étaient pas apparents au moment de la vente et qu’ainsi la preuve n’était pas rapportée que l’agent immobilier avait eu connaissance du vice caché, ce dont il résultait que le manquement au devoir de conseil n’était pas établi, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;”

Ou à l’inverse s’il est suffisamment apparent :

Cour de cassation, chambre civile 3, audience publique du mardi 29 mars 2011,  n° de pourvoi : 10-14503 : “Ne commet pas une réticence dolosive le vendeur d’un immeuble qui ne révèle pas à l’acquéreur le mauvais état de la toiture dès lors que ces désordres étaient apparents et qu’il n’a rien fait pour les cacher.”

Cour de cassation, ch. civ. 3, 21 mars 2019, n° de pourvoi: 18-12604 :

“Mais attendu qu’ayant relevé qu’il ressortait du rapport d’expertise que les problèmes existant sur la toiture étaient visibles à l’oeil nu depuis les combles, accessibles par une porte dont seule la SCI S… avait la clé et retenu qu’il n’était pas établi que celle-ci ait volontairement omis de remettre la clé à l’agence immobilière ni que M. et Mme V… aient demandé à pouvoir accéder aux combles et que cet accès leur ait été refusé, de sorte que l’absence de visite des combles était imputable à la propre négligence des acquéreurs à vérifier l’état de la toiture et de la charpente d’un immeuble ancien, par définition vétuste, la cour d’appel a pu déduire de ces seuls motifs que, l’état de la toiture ne constituant pas un vice caché mais un vice apparent dont l’acheteur pouvait se convaincre lui-même”

Cour de cassation, chambre civile 3, 21 novembre 2019, n° de pourvoi: 18-22128 :

Il a été retenu que pour les vendeurs il était évident que les acquéreurs avaient connaissance des travaux prévus, il n’y a donc pas de réticence dolosive.

La preuve de la bonne exécution du devoir d’information incombe au professionnel :

“Celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation”  Cour de cassation, chambre civile 1, audience publique du mardi 25 février 1997, n° de pourvoi : 94-19685

et “la charge de la preuve de l’exécution par le notaire instrumentaire de son devoir de conseil lui appartient” Cour de cassation, chambre civile 1, audience publique du mardi 2 octobre 2007, n° de pourvoi : 06-17281

C’est pourquoi il est prudent d’utiliser, dès la signature du mandat, un document rapportant cette preuve, tel que la “fiche descriptive contractuelle” d’Éditions Préférence. (voir notre article sur ce document, qui nous a valu les félicitations du juge lors de quelques procédures, et surtout a permis d’éviter nombre de procès ! ).

Le devoir de conseil de l’agent immobilier en vidéo

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35 Commentaires

  1. Parfait, je suis partisan de toute obligation qui responsabilise le professionnel, MAIS, en contrepartie, il faut le faire savoir aux clients : le jour où les clients comprendront que le rôle d’un agent immobilier est incontournable pour sécuriser leur achat, nous aurons gagné. Qu’attendent les syndicats, les gouvernements pour renforcer notre rôle ? Nous sommes parmi les professions les moins considérées, tous les jours les clients nous trahissent, vendeurs comme acheteurs, car nous ne sommes pas respectés, et comme en plus nous travaillons gratuitement, sauf si nous vendons… ce qui est gratuit n’a pas de valeur !

  2. Vous avez raison, mais en attendant que les règles du jeu changent, deux pistes : le mandat exclusif pour moins travailler gratuitement, et la fiche descriptive contractuelle pour mieux accomplir notre devoir de conseil…

  3. Bonjour ,

    C’est article est très intéressant. Mais tous les agents immobiliers ont pour objectif de vendre coûte que coûte et rien d’autre, pensez vous qu’ils vont couper la branche sur laquelle ils sont assis et qu’il les fait vivre ? Moi, j’ai singé un compromis sans les diagnostics car l’agence n’a pas eu le temps de les faire be cause immeuble donc beaucoup de diagnostics, le compromis ne m’a pas été notifié et en plus il était caduc à cause de la date d’échéance de la condition suspensive, et j’ai signé l’acte car l’agent immobilier m’a tellement bien vendu l’immeuble malgré les défauts qui sont apparus dans l’acte mais minimiser par le notaire du vendeur et l’agence. Aujourd’hui, je suis dans une situation grave, tput ce que m’avait dit l’agent immo était faux, l’etat de l’immeuble, la rentabilite locative etc etc.
    Pour moi les agents immobiliers ne sont pas tous des anges voire plutôt des escrocs.
    Gilson

  4. bonjour,

    le diagnostiqueur prend en photo les combles sans signaler l’incendie qui a complètement noircie la charpente
    au total, en enlevant le lino de l’escalier, pareil, escalier bûlé!
    alors qui sera condamné dans cette affaire! diagnostiqueur et l’agence? le notaire qui a lui aussi visité la maison dans le cadre d’un héritage?
    qui?
    merci si vous lisez et me répondez
    cordialement

  5. @Gilson, il y a hélas des escrocs dans tous les métiers.
    @catherine, si la charpente a été seulement noircie mais pas brûlée, et que sa solidité n’est pas affectée, il n’y a pas vraiment de préjudice, d’autant que cela devait être apparent ?
    Pour l’escalier, si le lino a été mis là pour cacher les dégâts, ou si vous vouliez remettre l’escalier à l’état brut, c’est effectivement un autre problème.

  6. C’est un excellent article effectivement !
    Cette exigence s’impose d’ailleurs à tous les stades du contrat, et selon toute vraisemblance avec une prescription quinquennale.
    En réalité, les directives européennes qui sont transposées en droit français, distinguent trois obligations :
    – un devoir d’information, qui se définit comme un devoir d’expliciter dans le détail la portée et son étendue de l’engagement du client, le client étant entendu comme un client “moyen”, c’est-à-dire que le Juge pourra limiter ce devoir envers un client averti et non profane
    – un devoir de conseil, ce qui d’ailleurs pose problème pour tous les agents commerciaux indépendants, puisque selon la réglementation, ils n’ont pas licitement le droit de délivrer un conseil…
    – un devoir de mise en garde.
    Comme il est dit dans l’article, c’est au professionnel de prouver qu’il a satisfait à ces obligations, en particulier par la construction d’un document d’information précontractuel.
    S’agissant des vices cachés ou des vices de consentement, la loi n’a pas changé.

    En revanche, et c’est bel et bien une nouveauté, les Juges prennent de plus en plus appui sur l’article 1134 comme moyen, alors que c’est clairement une introduction de la morale dans le droit positif.

    Il y a donc pas mal de réseaux de franchise dont la tête DEVRAIT être sévèrement condamnée sur ces principes. Quand un dont les dirigeants se flattent au travers la littérature d’être de formidables entrepreneurs, mais qui en en dix ans auront ruiné 200 familles, et qui condamnés parfois se présentent devant le JEX comme des retraités sans le sou…. je suis très satisfait de l’orientation actuelle de la législation et de la jurisprudence.

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