La commission de l’agent immobilier

La commission de l’agent immobilier

agent immobilier

L’agent immobilier est rémunéré (par une « commission ») lorsqu’une opération est conclue par ses soins : il est payé au résultat. Au passage notons qu’il y a peu de professionnels payés de cette façon : un avocat est payé même s’il perd le procès, un médecin même s’il ne guérit pas le malade…

L’avantage pour les clients est indéniable : il n’y a rien à payer, pas de commission tant que l’opération n’est pas définitivement conclue. Le vendeur peut confier autant de mandats qu’il le souhaite, l’acquéreur visiter des dizaines de biens, avec la garantie de ne payer qu’une fois satisfait. Mais il y a des effets pervers : la multiplication des mandats dits « simples » pour le même bien est plutôt néfaste à la vente de ce bien, et engendre des surcoûts pour l’ensemble de la profession. Il n’est pas très utile que dix négociateurs prennent en mandat le même bien, que les dix agences établissent plus ou moins le même dossier, fassent la même publicité en même temps dans les mêmes supports… alors qu’au final une seule concluera (peut-être !) l’affaire et percevra sa commission.  Au final le bien est dévalorisé et les tarifs des agences doivent tenir compte de cette déperdition en temps, en énergie et en ressources financières.

Mais c’est la loi, les articles 6 de la loi Hoguet et 73 de son décret d’application  interdisent à l’agent immobilier de se faire payer le moindre centime à titre de remboursement de frais, d’avance ou autre, a fortiori la commission
Des conditions strictes de forme encadrent le droit à commission : le mandat doit préciser le mode de calcul ou le montant de cette commission, et indiquer qui, du vendeur ou de l’acquéreur, en a la charge ; l’engagement des parties (compromis) doit préciser le montant de la commission et la partie qui en a la charge. Ce en vertu des articles 6 de la loi Hoguet et 73 de son décret d’application. (Voir Cour de cassation, chambre civile 1, 17 janvier 2018, n° de pourvoi: 14-14304).

Il doit bien sûr y avoir cohérence entre ces deux documents.
A quel moment l’agent immobilier peut-il percevoir sa commission ? La jurisprudence la lui accorde dès que les conditions suspensives sont levées, et en l’absence de clauses de dédit. Un décret du 21 octobre 2005 a modifié l’article 73 du décret « loi Hoguet », laissant à penser que la signature de l’acte authentique serait une condition supplémentaire.
Une réponse ministérielle du 2 mai 2006 précise que l’acte authentique n’est pas une condition au paiement de la commission mais le moment où elle doit être payée « sans délai ».
Dans les faits les agences sont de toute façon payées après l’acte authentique.

Quand une agence fait visiter un bien (maisonappartementterrain) et qu’ensuite vendeur et visiteur traitent directement, la commission est due, la jurisprudence est constante sur ce point.
Qu’en est-il de la commission lorsque, en présence d’un mandat simple, deux agences font visiter le même bien aux mêmes acquéreurs ? La commission est due à celle qui a conclu l’opération, des dommages-intérêts d’un montant équivalent à la commission qu’elle aurait dû percevoir devront être versés à l’agence évincée ayant présenté le bien en premier, pour peu que le mandat le prévoie. Ce qui est une précaution naturelle de la part des agences, car à quoi servirait de s’investir en temps, énergie, publicités…, s’il suffisait, après que l’acquéreur ait été trouvé, de traverser la rue pour traiter moins cher avec une agence étrangère à l’opération ! Ce serait la mort annoncée de la profession.

Voir à ce sujet :
Cour de Cassation, Chambre civile 1, 2006-05-30, 04-11208, Inédit
Cour de Cassation, Chambre civile 1, 13 décembre 2005, Inédit

En l’absence de strict droit à commission, l’agence peut avoir droit à des dommages-intérêts, le plus souvent de la part du vendeur.
Mais même des acquéreurs peuvent être condamnés à des dommages-intérêts, alors qu’ils ne sont pas signataires du mandat !
Un couple a visité un bien, sous une fausse identité, par l’intermédiaire d’une agence. La transaction se fait directement en évinçant l’agence.
Le mandat signé par le vendeur prévoyait la commission charge vendeur.
La cour de cassation, en assemblée plénière, accorde réparation à l’agence et confirme la condamnation des acquéreurs à des dommages-intérêts dès lors qu’il est prouvé que ce sont leurs manoeuvres qui ont entraîné le préjudice, peu importe que la commission ait été prévue originellement à la charge du vendeur. Ce sur la base de la responsabilité délictuelle, art. 1382 du Code civil.
La jurisprudence était jusqu’à présent fluctuante, elle hésitait à condamner l’acquéreur qui doublait l’agence. La voici désormais bien fixée.
Cass. ass. plén., 9 mai 2008, époux X / sté immobilier service.

La commission, pour quelle agence ?

Certaines agences, voire réseaux, se sont montés sur le concept “allez visiter avec les autres, revenez signer avec nous” ; en arguant que la commission ne sera due qu’à l’agence qui aura fait signer… ce qui est une information pour le moins tronquée. Voici ce que nous leur écrivons :

“Nous rencontrons des problèmes avec certains négociateurs ou agents commerciaux de votre agence.

En effet, d’après ce que nous rapportent de nombreux clients, ces négociateurs prétendraient qu’il leur serait possible de conclure impunément la vente avec votre agence, après que le bien ait été visité par notre entremise.
Une telle allégation serait parfaitement mensongère.
Certes la commission est due à l’agence qui a conclu l’opération, mais des dommages-intérêts d’un montant équivalent à la commission qu’elle aurait dû percevoir devront être versés à l’agence évincée ayant présenté le bien en premier, pour peu que le mandat le prévoie.
Ce qui est le cas de tous nos mandats. Il s’agit là d’une précaution bien naturelle, car à quoi servirait de s’investir en démarches, temps, énergie, publicités…, s’il suffisait, après que l’acquéreur ait été trouvé par nous, de traverser la rue pour traiter moins cher avec une agence étrangère à l’opération, et qui n’a accompli aucune diligence ! La jurisprudence est très claire sur ce point, voir à ce sujet :
Cour de Cassation, Chambre civile 1, audience publique du mardi 30 mai 2006
N° de pourvoi: 04-11208 :
« Qu’en se déterminant ainsi, alors que si les époux Y… n’étaient tenus de payer une rémunération ou une commission qu’à l’agence immobilière par l’entremise de laquelle l’opération avait été effectivement conclue, ils avaient néanmoins méconnu l’interdiction contractuelle de vendre par un autre intermédiaire aux acquéreurs ayant visité le bien avec la société Française immobilière, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »
Cour de cassation, Chambre civile 1, audience publique du mardi 13 décembre 2005
N° de pourvoi: 03-17695 :
« Mais attendu que lorsque le mandant a donné à plusieurs agents immobiliers un mandat non-exclusif de vendre le même bien, il n’est tenu de payer une rémunération ou une commission qu’à celui par l’entremise duquel l’opération a été effectivement conclue au sens de l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970, et cela même si l’acquéreur lui avait été précédemment présenté par un autre agent immobilier, sauf à ce dernier à prétendre à l’attribution de dommages-intérêts en prouvant une faute du vendeur qui l’aurait privé de la réalisation de la vente ; que la cour d’appel qui relève par motifs propres que les époux X… avaient traité pendant le cours du mandat sans le concours de la société Parage Immobilier avec des acquéreurs qui leur avaient été présentés par cette société et avaient ainsi commis une faute en violant les engagements qu’ils avaient contractés envers leur mandataire et par motifs adoptés que les stipulations du mandat ne portaient pas atteinte au caractère non exclusif de celui-ci dès lors qu’elles n’empêchaient pas le vendeur de donner mandat à plusieurs agences en même temps » ;
En l’absence de strict droit à commission, une autre agence ayant fait signer le compromis, l’agence ayant présenté le bien en premier a droit à des dommages-intérêts, le plus souvent de la part du vendeur.
Mais même des acquéreurs peuvent être condamnés à des dommages-intérêts, alors qu’ils ne sont pas signataires du mandat !
La jurisprudence était jusqu’à présent fluctuante, elle hésitait à condamner l’acquéreur qui doublait l’agence. La voici désormais bien fixée :
Cass. ass. plén., 9 mai 2008, époux X / sté immobilier service.
Nous n’entendons pas nous laisser spolier du fruit de notre travail, et nous n’hésiterons pas le cas échéant, à assigner les clients, vendeurs et acquéreurs, tout comme les agences qui participeraient ou organiseraient un tel détournement de clientèle.

Quant à nos mandants que vous auriez détournés de notre agence, outre que c’est une infraction au Code de déontologie de l’immobilier, nous leur conseillerons, s’ils doivent payer des honoraires d’un côté et un dédommagement de l’autre, de vous assigner pour défaut de conseil.”

Voir “une agence fait visiter, une autre conclut l’opération

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160 Commentaires

  1. Cher Jean-claude,

    Merci pour votre réponse tristement claire.
    Décidément, le régime juridique et légal de l’agent immobilier n’est que contraintes et limitations. Bien loin des modèles anglo-saxons où l’agent immobilier est considéré pour la valeur ajoutée qu’il apporte par ses compétences, la modèle français punitif reflète l’image peut glorieuse qu’à le public de cette profession.

    Personnellement, j’en serai d’un montant à six chiffres, n’ayant pas eu le réflexe ou même l’idée qu’un promoteur, professionnel de l’immobilier, puisse se couvrir derrière une loi félonne et une jurisprudence qui ne l’est pas moins !
    Vous avez raison de vous offusquer de la concurrence déloyale des avocats et des notaires qui doivent bénéficier de meilleurs lobbys (…). Ce n’est d’ailleurs pas la seule concurrence, puisque vous devez savoir qu’il existe grâce à internet de nombreuses para-agences ou particuliers vendant de l’immobilier français et percevant une rémunération sans avoir les contraintes et les charges des nationaux…

    Pour ma part, la messe est dite et je m’en vais visiter d’autres paroisses, sous d’autres cieux.

    Je vous encourage à continuer votre blog, très intéressant et vous souhaite bon chemin )

    Thierry

  2. Bonjour Thierry,
    Pour être exhaustif, il y a eu un certain nombre de cas où la Cour de cassation a validé le droit à commission, malgré un mandat nul, au motif qu’après l’acte authentique il y avait eu une acceptation plus ou moins tacite du principe de la commission, par exemple un règlement partiel.

  3. bonsoir

    je viens vers vous car j’ai un gros problème.Nous avons signé un compromis de vente avec un acquéreur par l’intermédiaire d’un AI qui avait un mandat exclusif.Hors celui ci à proposé à nos acquéreurs un terrain alors que le compromis est en court.Que faire?
    Je veux écarter cet AI pour faute professionnelle.
    Merci de votre aide!
    Cordialement

  4. j’ai signé à mon domicile un mandat de vente simple sur lequel il y avait des ratures ( et ré-ecrit ) dans la case “rémunération du mandataire” ; les paraphes sont prévus en bas de cette page ( après la case “durée du mandat ” ), mais n’ont pas été faits sous les ratures elles-mêmes ; l’agence me rappelle pour que j’aille signer un autre contrat ( sans ratures ) au bureau , mais comme ils ont des comportements trés désagréables , est-ce que je ne pourrais pas bénéficier de cette erreur si elle entrainait la nullité de ce mandat ?
    merçi pour vôtre réponse
    cordialement

  5. @PRUDHOMME : Bonjour,
    Il vous manque très probablement des éléments ? L’AI n’aurait eu aucun intérêt à faire cela. Votre acquéreur a peut-être plusieurs recherches en parallèle.
    Où en est votre compromis aujourd’hui ?
    Bien à vous,

  6. @EVELYNE
    Bonjour,
    Si votre double comporte les mêmes ratures, votre mandat est valable. Pour pouvoir vous dire si il est contestable, il faudrait pouvoir le voir.
    Par contre, si le mandat a été signé à votre domicile, vous bénéficiez de 7 jours pour changer d’avis conformément au code de la consommation (articles L121-23 à L121-26)
    Bien à vous,

  7. Bonjour Jean-Claude,

    Je n’ai pas consulté votre blog depuis quelques temps déjà et découvre votre réponse du 3 janvier dernier à 153.
    Je suis très intéressé de savoir quels seraient ces décisions de la Cour de Cassation qui auraient validé le droit à commission, malgré la nullité du mandat, en se fondant sur son acceptation tacite ou un paiement partiel.
    D’avance, je vous remercie des ces précieux renseignements qui pourraient retourner une situation délicate.

    Bien à vous.

    Thierry

  8. Bonjour Thierry,
    L’acceptation ne peut être que postérieure à la vente “régulièrement conclue”, lorsque la loi Hoguet ne trouve plus à s’appliquer.
    Voici l’arrêt :
    Cour de cassation
    chambre civile 1
    Audience publique du mardi 6 mars 2001
    N° de pourvoi: 98-11057
    Mais attendu que la cour d’appel, après avoir prononcé l’irrégularité du mandat en raison de l’indétermination des conditions de la rémunération de l’agent immobilier, a, ensuite, sans être tenue de s’expliquer sur un élément de preuve qu’elle a écarté, exactement énoncé que, par une convention ultérieure, l’une des parties au contrat de vente pouvait s’engager à rémunérer les services de l’agent immobilier dès lors que cet engagement était postérieur à l’acte authentique de réitération de la vente ; qu’après avoir constaté que postérieurement à la signature de l’acte authentique M. Y… avait adressé un chèque du montant de la commission tel que fixé dans l’offre d’achat, le bon de commission et le compromis de vente, elle a souverainement décidé que l’émission de ce chèque constituait un commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable une reconnaissance d’honoraires ; http://legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007422511&fastReqId=1888809186&fastPos=3
    Et voici le principe :
    Cour de cassation
    chambre civile 1
    Audience publique du jeudi 26 mai 2011
    N° de pourvoi: 10-30698
    Si, en l’absence d’un mandat régulier, les parties à la vente d’un immeuble peuvent s’engager à rémunérer les services de l’agent immobilier, cette convention n’est valable que si elle est postérieure à la vente régulièrement conclue.
    http://legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000024085703&fastReqId=1266007645&fastPos=1

  9. Cher Jean-claude,

    Merci pour cette information très intéressante. Je vous tiendrai informé de l’évolution de cette affaire.

    Bien cordialement,

    Thierry

  10. Bonjour,

    Mon appartement est en vente dans 3 agences (donc sans exclusivité) et j’essaie de le vendre également par mes propres moyens en passant une annonce sur le Boncoin.

    Jusqu’à présent, les agences m’ont informée des visites avec un rapport de visite envoyé par mail. Je garde tous ces mails et j’ai établi une liste des noms de personnes ayant visité pour éviter tout malentendu. De plus, je demande aux personnes qui viennent visiter avec moi de me confirmer (oralement) qu’elles n’ont pas déjà vu l’appartement avec une agence.
    Je viens d’avoir des propositions d’achat pour mon appartement, la plus intéressante venant d’une personne qui m’a contactée par mail par le biais de mon annonce et à qui j’ai ensuite fait visiter mon bien. Cette personne me dit qu’elle a fait des recherches sur internet et qu’elle est passée dans des agences, dont une avec qui j’ai signé un mandat, mais qu’elle n’a rien signé et rien visité avec cette agence car elle en était au début de ses recherches et ne voulait pas s’engager avec une agence à
    ce stade de sa recherche.
    Si la vente se conclut avec cette personne, l’agence est-elle en droit de réclamer des dommages-intérêts, à moi-même ou à l’acquéreur, alors qu’elle ne dispose que des coordonnées de cette personne et d’aucun document signé ?

    Merci par avance pour votre réponse.
    Cordialement

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