Les effets d’un mandat se poursuivent-ils après la fin du mandat ?

durée effet mandat immobilier

Le mandat contient une clause interdisant de vendre directement après sa date d’expiration

Pratiquement tous les mandats de vente des agents immobiliers contiennent une clause interdisant au mandant de vendre directement (ou indirectement, par un autre agent immobilier ou un notaire, mais c’est un autre débat, voir cet article),  même après l’expiration du mandat, à un client présenté par un agent immobilier.

La question s’est d’abord posée de la validité d’une telle clause. Parmi d’autres, un arrêt du TGI du Mans, du 7 octobre 1997, la déclare parfaitement légitime :

“La clause critiquée interdisant au mandant, même après l’expiration du mandat, de traiter directement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui, non seulement n’est pas nulle, mais apparaît nécessaire pour donner au mandat un sens et une portée dès lors qu’elle est invoquée dans un délai raisonnable après l’expiration ou la résiliation du mandat car, sans elle, aucun mandataire en matière de transactions immobilières ne pourrait jamais percevoir de rémunération puisqu’il suffirait au mandant, comme l’ont fait les époux B. en l’espèce, de dénoncer le mandat immédiatement après que le mandataire ait trouvé un acheteur potentiel de manière à pouvoir traiter directement avec celui-ci en s’économisant les frais de transaction.”

On ne saurait être plus clair ! Nos juges font parfois des efforts rédactionnels louables. Et les décisions de justice en faveur des agents immobiliers ne sont pas si fréquentes.

Restait à évaluer le “délai raisonnable”.

Délai “raisonnable” après la fin d’un mandat : deux ansdélai mandat immobilier

Un arrêt de la Cour d’appel de Grenoble du 13 novembre 2000 (procès gagné par Cimm immobilier) a entériné une durée de deux ans. Cet arrêt a été publié sur le site de la Commission de recommandation des clauses abusives, laquelle apporte ce commentaire :

“La clause du mandat de vente immobilière qui, pendant la durée du mandat et deux ans après son expiration, interdit au mandant de vendre à un acquéreur qui aurait été présenté par le mandataire n’est pas abusive en ce qu’elle a pour objet de garantir au mandataire la rémunération de son travail et ne prive pas le mandant du droit de vendre à tout autre acquéreur.”

Dans les motifs de la décision, on pouvait lire : “Attendu en outre que la clause litigieuse n’est pas en contradiction avec le § IX du contrat de mandat qui prévoit la possibilité pour le mandant de vendre lui-même ou par l’intermédiaire d’une autre agence ; que la clause du § VI, qui prévoit seulement l’hypothèse dans laquelle l’acquéreur aurait été présenté par l’agence, ne prive pas le mandant, comme l’a justement relevé le premier juge, du droit de vendre à tout autre acquéreur ; que cette clause ne présente aucun caractère abusif au sens de l’article L 132-1 du Code de la consommation ; qu’il n’est pas démontré qu’elle crée un quelconque déséquilibre entre le mandant et le mandataire ; qu’elle a pour objet de garantir au mandataire la rémunération de son travail ; qu’enfin, les stipulations contractuelles sont parfaitement claires, qu’il n’y a pas lieu de leur faire application des dispositions de l’article 1162 du Code civil ;”

Arrêt confirmatif de la Cour de cassationfin d'un mandat immobilier

Un arrêt de la Cour de cassation a confirmé cette position jurisprudentielle :

Cour de cassation, chambre civile 1, audience publique du mardi 2 octobre 2007, n° de pourvoi: 06-14238

“Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir décidé que ne constituait pas une clause abusive l’article 4 b) du contrat relatif à l’expiration du mandat selon lequel “le mandant s’interdit pendant la durée du mandat et dans les 24 mois suivant son expiration de traiter directement ou indirectement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui et aux termes de l’article 5 après expiration du mandat, et pour le cas où les biens seraient toujours disponibles à la vente, le mandant s’oblige pendant une durée de 24 mois suivant l’expiration du mandat à informer immédiatement le mandataire de toute transaction conclue en lui notifiant par lettre recommandée, les nom et adresse de l’acquéreur et du notaire chargé d’authentifier la vente”, alors que, selon le moyen, la clause ayant pour objet ou pour effet d’interdire au mandant, à peine d’avoir à verser une indemnité, de traiter sans le concours du mandataire directement ou indirectement avec un acquéreur ayant été présenté par lui ou ayant visité les locaux avec lui, est abusive lorsque la durée de cette interdiction est excessive ; qu’une durée de vingt-quatre mois limite considérablement la liberté du consommateur de contracter avec un acquéreur de son choix et crée de ce fait un déséquilibre significatif à son détriment ;

Mais attendu que l’arrêt qui retient que les droits du propriétaire ne sont limités qu’à l’égard des personnes qui ont été présentées par le mandataire et qu’une telle restriction est justifiée par le risque de fraude très important, a justement considéré qu’une telle clause qui ne créait aucun déséquilibre dans les droits et obligations des parties n’était pas abusive ;”

La Cour d’appel de Paris a jugé plus récemment que la clause d’exclusivité de clientèle prévue au mandat “n’est nullement abusive en ce que, limitée dans le temps à la durée du mandat et aux douze mois consécutifs suivant son expiration, elle ne crée aucun déséquilibre significatif entre les obligations des parties”.  Elle est en outre “justifiée par la nécessité de rémunérer les diligences du mandataire qui, ayant rempli les obligations nées du mandat, ne saurait être frustré de son droit à honoraires par la fraude du mandant traitant directement avec un acquéreur présenté par le mandataire, à l’insu de ce dernier et à seule fin d’éluder le paiement des honoraires contractuellement dus”. (CA Paris, 24 novembre 2017, n° 16/08267.

Un nouvel arrêt confirmatif : Cour de cassation, chambre civile 1, 23 janvier 2019, 18-10549 : “…alors qu’elle avait constaté que le mandat stipulait l’interdiction pour les mandants, pendant sa durée et les douze mois suivant sa résiliation, de traiter directement ou par l’intermédiaire d’un autre mandataire avec un acheteur présenté par l’agent immobilier, et que la vente avec Mme Z…, présentée aux vendeurs par l’agent immobilier, avait été conclue dans cette période, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;”

En cas de litige il est intéressant pour l’agence de se retourner également contre l’acquéreur. Pour cela il faut pouvoir établir une collusion frauduleuse avec le vendeur : il faut avoir notifié au vendeur le nom des acquéreurs potentiels, si possible avant la fin du mandat, et avoir fait signer à ceux-ci un bon de visite contenant une clause “qui les obligerait à acquérir le bien obligatoirement et expressément par son intermédiaire”.

Moyennant quoi les effets d’un mandat peuvent se poursuivre pendant deux ans après la fin du mandat.

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203 Commentaires

  1. Je suis de cet avis, ceux qui travaillent en mandat simple font du mauvais travail, parce que statistiquement ils vendent moins d’un mandat sur cinq, 15 % en fait. Donc il leur faut beaucoup de mandats pour gagner leur vie, une quarantaine au moins.
    Si on veut et faire du bon travail et gagner normalement sa vie il n’y a que le mandat exclusif qui le permette.
    Pour faire du bon travail on ne s’occupe pas de plus de15 mandats par personne. Pour gagner sa vie avec 15 mandats simples, impossible. Donc l’exclusivité est la seule option pour la qualité.
    Et si on ne veut pas qu’ils soient dénoncés il faut faire tout ce qu’on a promis pour les rentrer.

    • Vous oubliez que beaucoup d’acquéreurs privilégient des agences ayant beaucoup de biens pour éviter d’avoir à faire trop d’agence.

      Concernant l’interdiction du mandat de recherche exclusif: source?

      • Faux, les acquéreurs cherchent sur internet et appellent l’agence qui a un bien qui correspond à leur recherche. Ils ne cherchent pas une agence mais un bien. Et les associations de mise en commun des mandats exclusif règlent la question, Amepi approche de 4000 membres.
        Concernant le mandat de recherche c’est le décret de la loi Hoguet : « Le mandat d’acheter ou de prendre à bail un bien non identifié ne doit contenir aucune clause fixant à l’avance le montant des dommages-intérêts ou du dédit éventuellement dû par la partie qui ne remplirait pas ses engagements. »

    • Pour votre information :
      https://www.google.fr/url?sa=t&source=web&rct=j&url=https://www.conso.net/sites/default/files/conseil_35_fj187-agent_immobilier.pdf&ved=0ahUKEwiYt-_o6MjXAhWOLVAKHTBFCcwQFghYMAQ&usg=AOvVaw3ovyOg3a1cHX50O3Vntehn

      Un agent immobilier ne peut avoir droit à rémunération même en cas de mandat exclusif si le prix de vente est différent. En effet, le mandataire ne peut se prévaloir d’un mandat qu’il n’a pas.

      Et surtout lors d’un mandat (non exclusif ou pas), le bon de visite ne donne pas droit à rémunération même si les agents immobiliers veulent le faire croire sous peine de contourner une règle d’ordre public (un agent immobilier ne peut détenir un mandat d’un vendeur et d’un acquéreur pour le même bien).

      Seule la collusion caractérisée entre vendeur et acquéreur peut donner non droit à rémunération mais à dommages-intérêts (qui bien sûr peut aller jusqu’à l’équivalent du montant de la commission, le maximum que l’agence pouvait attendre de toutes façons). La confusion que vous faites entre droit à rémunération et dommages-intérêts est malsaine car elle est là pour faire croire aux clients qu’ils sont bloqués par vos mandats alors que ce n’est pas votre mandat qui ouvre droit à dommages-intérêts (car en cas de prix différent de celui du mandat de vente, vous n’avez aucun mandat) mais la manoeuvre frauduleuse de l’acquéreur et du vendeur. Donc le droit à dommages-intérêts est loin d’être automatique contrairement à ce que vous essayez de faire croire.

      (PS : j’attends tjs la liste de vos 65 services qui justifient un mandat exclusif)

  2. Ce qui impose simplement de ne pas fixer à l’avance le montant du dommage (et cela va dans les 2 sens d’ailleurs), mais n’interdit pas l’exclusivité. Ce sera au juge de fixer le montant du préjudice. En aucun il est indiqué qu’aucune sanction n’est possible.

    Sincèrement, cela devrait en être de même pour les mandats de vente.

  3. L’article vers lequel vous mettez un lien est plein d’erreurs et d’approximations juridiques.
    Rien n’oblige à indiquer un prix dans un mandat, et il est tout à fait possible de prévoir que le prix pourra changer.
    En ce qui concerne le mandat de recherche exclusif, quel intérêt peut avoir un contrat que l’on ne peut pas faire respecter ? Car c’est bien la volonté du législateur.

    • Erreurs juridiques concernant un site de l’institut national de la consommation…
      Disons plutôt que ses éléments ne vous plaisent pas.

      Comment avoir un mandat sans prix de vente déterminé ou déterminable? Sinon suffit de vendre l’immeuble à 1€ net vendeur pour avoir droit à rémunération. Il y a donc bien un prix minimum net vendeur sans lequel l’agent ne peut avoir de mandat. Encore une fois et ce site le redit la rémunération due à l’agent est liée à son entremise, il doit prouver que son action a été déterminante dans la conclusion de la vente. Sinon l’agence de voyage qui vous présente une maison lors de vos vacances aurait droit à rémunération au titre d’intermédiaire immobilier. Surtout c’est ce qui explique que l’agent immobilier n’a jamais droit à rémunération tant que la vente n’est pas definitivement conclue.

      Concernant le mandat de recherche exclusif il n’y a pas absence de sanction mais sanction non déterminé à l’avance nuance essentielle! C’est le juge qui détermine le montant comme il le détermine dans le cas d’un mandat de vente.

  4. Un mandat de vente « au meilleur prix » est parfaitement possible. Les mandats des agents immobiliers étant des mandats d’entremise et non de vente (v. 3eme alinéa de l’art. 72 du décret) le vendeur n’a aucune obligation d’accepter de vendre si le prix ne lui convient pas.
    Aucun juge ne donnera le moindre euro de DI concernant la violation d’un mandat de recherche exclusif d’un bien non déterminé, c’est évident.
    Quant au site de l’INC je confirme. D’abord cet article date de 2006, il est obsolète sur bien des points. Quant aux erreurs, un exemple, quand il prétend qu’un mandat exclusif de 3 mois doit préciser qu’il est renouvelable pour 3 mois, c’est tout simplement faux. Il y a d’autres bourdes.

  5. bonjour suite a une succession l’agence de mon neveu confie a un autre vendeur je n’arrive pas a obtenir les signatures sur le mandat (7)
    j’ai donc demande une photocopie du mandat
    le notaire par courrier du 08/01/2018 et de la chambre des notaires du 07/12/2018 pas d’entente ,le dossier ne peu avancer prendre attache avec un avocat

  6. Bonjour,

    Nous avions signé un bon de visite ainsi qu’une proposition d’achat pour un bien qui nous est “passé sous le nez”, les vendeurs ayant finalement signé un compromis entre particuliers. Je vois aujourd’hui que le bien est de nouveau à la vente par la même agence. Le bon de visite que nous avions signé est-il toujours valide sachant que le bien ait été retiré de la vente pendant une période de 3 mois car sous compromis. Autrement dit, pourrions nous aujourd’hui signer avec le vendeur en direct en toute légalité?

    Merci à vous!

    • Le représentant de l’agence a réalisé un travail qui couvre sa prestation pendant toute la durée de la validité du bon de visite, que le mandat de vente existe toujours…ou pas.

    • Bonjour,
      Cela dépend de la rédaction du mandat signé par le vendeur. Il y a une durée pendant laquelle il ne peut pas vous vendre directement, pendant la durée de validité du mandat bien sûr, mais probablement également après, pour une durée fixée sur le mandat.

  7. Bonjour nous avons visité une maison et signé un bon de visite nous avons fait une proposition d’achat qui a etais refusé le proprietaire veut qu’on s’arrange entre nous et veut resilier son contrat non exclusif qui comporte des clauses comme quoi il ne peut pas vendre le bien a une personne qui a déjà visité la maison par le biais de l’agence comment peut on si prendre pour etre dans la légalité? Que faut il stipuler dans le courrier de resiliation pour annuler ses clauses? Ou avez vous une solution pour qu’on puisse acheter ce vien sans passer par une agence ? Merci

  8. Bonjour,
    La jurisprudence est claire, pour la Cour de cassation lorsqu’un agent immobilier régulièrement mandaté fait visiter un bien et qu’ensuite les parties traitent directement entre elles, les honoraires sont dûs.
    La seule façon d’y échapper légalement est d’attendre le délai prévu au mandat qui peut être variable (voir l’article).
    Si vous signez sans agence à la demande du vendeur, faites écrire dans le compromis qu’il prendra à sa charge les sommes dues à l’agence en cas de condamnation judiciaire.

  9. Bonjour,

    Quelles sont mes obligations après la dénonciation (par lettre recommandé) d’une exclusivité et la demande de modification en mandat simple ?
    Après plus de 10 mois sans ventes et surtout sans aucune communication de l’agence et ceci malgré la baisse du prix de vente de notre bien sans efforts particuliers de l’agent immobilier.
    Je précise que c’est l’agence qui a fixé le prix du bien qu’il nous avait vendu il y a environ 10 ans. Que la proposition cette agence ce limite à une parution sur son site sans publications externes.
    L’agent immobilier m’explique, qu’après résiliation, je n’ai pas le droit de vendre mon bien pendant 6 mois à un prix inférieur à celui fixé et que dans le cas contraire je suis dans l’obligation de lui confier la vente en exclusivité durant 3 mois.

    Est-ce légal ?

    Merci d’avance pour votre aide

    Jean-Claude

    • C’est du grand n’importe quoi ! Vous êtes seulement tenu ( en fonction de ce qui est noté aux conditions de votre mandat après résiliation) de ne pas vendre à un client présente par l’agence pendant la période de validité du mandat…

    • Bonjour,
      Une telle clause même si elle figurait dans le mandat serait probablement considérée en justice comme abusive donc non écrite, en ce qu’elle vous empêcherait de disposer librement de votre bien. Mais on comprend la motivation de l’agence : éviter que le vendeur dénonce le mandat et baisse concomitamment fortement son prix, ce qui constituerait en quelque sorte une concurrence déloyale.

  10. Le problème c’est que c’est noté dans le mandat de vente, que nous n’avons pas bien lu le jour de la signature et comme nous étions en confiance……..
    La prochaine fois je ne signerai plus un mandat sur place et je prendrai le soin de l’éplucher méthodiquement.

    Néanmoins cette clause me parait abusive parce qu’elle m’interdit de vendre mon bien durant 6 mois par un autre moyen malgré la dénonciation.

    Je vais sûrement faire appel à un médiateur : MEDICYS 73.

    Merci pour vos conseils

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